Grand corbeau
Photo James Vaughn © - iNaturalist |
LES INFOS PAS TRÈS VRAIES (MAIS PAS TROP FAUSSES)
Le Grand corbeau est très joueur. De par sa grande taille, car le Grand corbeau est grand, l'ornithologue est généralement un gars perspicace et inventif, donc, de par sa grande taille, environ 65cm, le Grand corbeau est souvent choisi en premier pour jouer au basket-ball dans les équipes de corvidés, à ne pas confondre avec les équipes des corps vidés, qui se repèrent à ce qu'ils sont très très lents, ni avec les équipes de morve-au-nez, qui ont le nez pas vidés et qui se repèrent à ce qu'elles se mouchent tout le temps. Mais nous digressons.
Pour en revenir à notre Grand corbeau, il est nécessaire de signaler qu'il ne fait pas la fine bouche. Il mange des choses diverses, c'est à dire de tout et de rien. Mais il préfère de tout. Car rien, ça a tendance à moins bien remplir l'estomac. Il arrive même parfois de le voir tenant un camembert dans son bec. D'où l'expression "tu pues du bec".
Le Grand corbeau est noir. De la tête aux pieds. Et même des pieds à la tête. La nature aime la symétrie.
LES INFOS PAS FAUSSES (ET PLUTÔT VRAIES)
- Classification
Animalia/Animal (Règne), Chordata/Cordés (Embranchement), Aves/Oiseaux (Classe), Passeriformes/Passereaux (Ordre), Corvidae/Corneilles (Famille), Corvus (Genre), corax (Espèce).
Linnaeus, 1758 (Descripteur).
- Répartition
Le Grand corbeau est le corvidé le plus répandu sur la planète. Il se trouve dans tout l'hémisphère nord. Selon des études génétiques, l'espèce se distingue en 3 groupes différents qui n'ont que peu de relations entre eux. Il y a ainsi le groupe des oiseaux du Nouveau Monde, qui se situe en Amérique, le groupe des oiseaux de l'Ancien Monde, qui se situe en Eurasie et en Afrique, et le groupe des oiseaux des Îles Canaries. Ces 3 groupes sont constitués des 11 sous-espèces dans lesquelles se divisent le Grand corbeau.
Le groupe des oiseaux du Nouveau Monde est présent en Alaska, y compris dans les Iles Aléoutiennes, et à travers tout le Canada, jusqu'à Terre-Neuve et dans l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il occupe aussi les régions montagneuses du tiers occidental des États-Unis et dans la chaîne des Appalaches. Plus au sud, il se trouve dans une grande partie du Mexique, avec des populations plus isolées du Guatemala au Nicaragua. Vers l'est, il est présent sur la plus grande partie du littoral du Groenland.
Le groupe des oiseaux de l'Ancien Monde est présent en Eurasie, de l'Islande jusqu'au détroit de Béring, au nord d'une ligne passant par le sud de l'Iran, le nord de l'Inde et le sud de la Chine. Il est rare au Japon. Enfin, en Afrique, il niche des Îles Canaries à l'Egypte. La sous-espèce Corvus corax varius occupe la zone de l'Islande et aux Îles Féroé, Corvus corax corax se trouve à travers l'Europe depuis les Îles Britanniques et la Fennoscandie jusqu'au centre de la Sibérie, Corvus corax hispanus se situe dans la Péninsule Ibérique et les Îles Baléares et Corvus corax laurencei de l'est de la Grèce jusqu'à l'ouest de la Chine et le nord de l'Inde, en passant par Chypre et le Moyen-Orient. Enfin, Corvus corax tinginatus se situe de l'ouest du Maroc à l'est de l'Egypte.
Le groupe des oiseaux des Îles Canaries vit seulement dans les Îles Canaries et est constitué d'une seule sous-espèce, Corvus corax canariensis.
- Habitat
Le Grand corbeau est le plus souvent vu comme un habitant des falaises. C'est dans ce type de milieu qu'il se rencontre généralement des côtes découpées des Îles Canaries jusqu'à celles du Cap Nord et dans la plupart des massifs montagneux, jusqu'à 2400m dans les Alpes et même 5800m au Tibet. Mais le Grand corbeau occupe aussi des milieux très différents comme les forêts, la toundra, les villages isolés ou les grandes métropoles, les déserts, même les plus chauds, ou encore l'Arctique canadien. Ainsi, le Grand corbeau niche aussi bien sur les arbres et les bâtiments que sur les falaises, les deux points déterminants pour la construction d'un nid étant la présence de ressources alimentaires suffisantes et celle d'un support.
Le Grand corbeau est une espèce sédentaire aux mœurs très territoriales. Tout intrus passant à proximité de son aire, parfois à plusieurs centaines de mètres, est pris en chasse, quelque soit sa taille. Les territoires sont occupés toute l'année mais sont défendus moins activement, parfois pas du tout, en dehors de la saison de reproduction.
- Morphologie
Pour une longueur de 60 à 67cm, le Grand corbeau adulte peut peser de 1 à 1,5kg. Il est ainsi le plus grand passereau d'Europe. C'est un oiseau entièrement noir, l'iris, le bec et les pattes étant également noirs. L'adulte a le plumage brillant avec de légers reflets bleu violet à rougeâtre, visibles de près. Quand les plumes sont usées, elles peuvent apparaître distinctement brunes. Son corps est massif et il possède un bec puissant et une gorge à plumes érectiles pouvant donner l'impression d'une barbe. Les plumes du dessous du ventre descendent parfois sur les tarses (partie de la patte, écailleuse, entre la cuisse et les pieds) accentuant l'aspect massif et donnant l'impression d'un oiseau court sur pattes.
Le Grand corbeau juvénile est élancé et paraît plus petit et moins puissant que l'adulte. Il possède un plumage noir sans reflet irisé, un bec dont l'intérieur est rose vif et qui est relativement plus fin que celui de l'adulte, et un iris bleu gris. Après la première mue, qui débute environ 2 mois après l'envol et qui dure 2 mois, le jeune Grand corbeau acquière le plumage de l'adulte, mis à part les reflets qui restent encore nettement moins vifs, la queue, les ailes et les couvertures alaires étant encore brunâtres.
En vol, les ailes du Grand corbeau sont longues et étroites. Les rémiges primaires externes sont nettement émarginées. La tête est proéminente et le bec long et fort qui la prolonge est particulièrement visible. La queue présente un aspect cunéiforme. Le vol est puissant, les battements d'ailes sont souvent peu amples et assez raides. Le Grand Corbeau alterne régulièrement vol battu et longues glissades en plané. Les ailes des juvéniles sont moins longues et donc proportionnellement plus larges. Leur queue est maintenue droite.
- Cycle de vie
Dès le mois de janvier, parfois dès décembre, le Grand corbeau entreprend l'édification ou la restauration du nid, qui est construit aussi bien par le mâle que par la femelle. Le même nid est souvent utilisé plusieurs années de suite, notamment si la reproduction de l'année précédente a été couronnée de succès.
Les pontes, dont la taille, de 3 à 6 œufs, est très variée, sont étalées dans le temps, de février à avril, selon la latitude et les conditions météorologiques. Le Grand corbeau n'effectue qu'une seule ponte par an mais des pontes de remplacement peuvent être effectuées si les œufs n'ont pu être amené à terme. La couvaison est assurée par la femelle seule, pendant environ 3 semaines.
Après éclosion, de mars à mai, les jeunes restent au nid environ 1 mois et demi, la femelle les couvrant presque sans interruption durant les 10 premiers jours. Le nourrissage de ces jeunes est assuré par les deux parents.
De avril à juin, les jeunes prennent ensuite leur envol mais demeurent encore avec leurs parents pendant au moins 2 mois. Le nombre de jeunes quittant le nid est rarement élevé, de nombreuses pontes ne produisant aucun jeune.
Après avoir quitté leurs parents, les jeunes forment des groupes qui errent à la recherche de nourriture et se rassemblent pour passer la nuit. Ces groupes sont composés de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’individus qui peuvent êtres rejoints à l’occasion par des adultes non reproducteurs. Les couples se forment à l'intérieur de ces groupes, et les Grands corbeaux, monogames, sont alors unis pour la vie.
La mue du Grand corbeau adulte est complète et dure 140 jours. La femelle ne pond qu'à partir de l'âge de 4 ans et le Grand corbeau peut vivre jusqu'à 20 ans environ.
- Intelligence et jeux
Le Grand corbeau fait partie des oiseaux qui peuvent cacher leur nourriture afin de la consommer plus tard. Or ce comportement nécessite une certaine intelligence car il ne s'agit pas que de la cacher, mais surtout de la retrouver. Pour cela, l'oiseau utilise différents types d'information selon la nourriture qu'il a cachée. Retrouver une denrée rapidement périssable cachée quelques heures plus tôt met en jeu des compétences différentes de celles employées pour retrouver des graines cachées des mois auparavant.
Cacher la nourriture nécessite aussi une certaine gestion pour qu'aucun autre individu ne trouve la cachette. Deux chercheurs ont fait une expérience avec des Grands corbeaux et ont montré que ceux-ci adaptaient leur comportement et leur cachette selon les individus qu'ils avaient à proximité.
Pour le Grand corbeau, choisir un site où cacher la nourriture n'est pas un comportement inné, mais s'acquiert par l'apprentissage, fruit d'interactions sociales avec d'autres individus.
Le Grand corbeau est aussi une espèce qui peut utiliser des objets pour parvenir à ses fins, notamment dans la recherche de nourriture. Des observations ont permis de voir des Grands corbeaux faisant tomber des touffes d'herbe ou des mottes de terre pour déloger des mouettes en train de couver et pouvoir ainsi s'emparer de leurs œufs. Une autre observation rapporte un comportement similaire face à un Grand-Duc d'Europe. Deux Grands corbeaux travaillèrent de concert pour le déloger. L'un d'eux s'était posé au-dessus du rapace et lui faisait tomber dessus des pierres, de la mousse et des branches, tandis que l'autre profitait de l'inattention du rapace pour lui donner un violent coup de bec, ce qui entraînait une riposte du Grand-Duc qui se jetait sur lui, délaissant ainsi son nid, ce dont profitait le premier corbeau pour tenter de s'emparer des œufs. Un cas fut aussi rapporté où un Grand corbeau jeta des pierres sur un homme qui s'approchait du nid.
Les corvidés pratiquent le jeu en société et le Grand corbeau ne fait pas exception. Ces jeux peuvent être variés, comme des acrobaties en vol, des manipulations d'objets divers ou encore des jeux au sol. Ainsi, par exemple, des Grands corbeaux ont été observés jouant ensemble, deux d'entre eux volant très proches l'un de l'autre avant de s'attraper par les serres et de se laisser tomber en tourbillonnant, puis de se séparer à quelques mètres du sol pour ensuite se poser côte à côte sur un pylône. D'autres Grands corbeaux furent aperçus entrain de se baigner dans la neige, se tournant sur le côté, puis sur le dos avant de descendre la pente en glissant pour ensuite se redresser, s'envoler vers leur point de départ et recommencer. Une variante fut même vue lorsque l'un des Grands corbeaux se posa sur le ventre de son partenaire, descendant la pente enneigée sur cette luge improvisée.
- Régime alimentaire
Souvent considéré comme charognard, le Grand corbeau est plutôt un omnivore très opportuniste, plus ou moins prédateur. Les petites proies sont chassées, les plus grandes étant le plus souvent consommées à l’état de charognes. Le Grand Corbeau peut occasionnellement se comporter en prédateur vis-à-vis d’animaux de taille moyenne quand ceux-ci sont affaiblis. Des végétaux peuvent aussi être consommés, par exemple des fruits.
La quasi-totalité de sa nourriture est ramassée au sol mais le Grand corbeau est capable de capturer des proies en vol, que ce soit des insectes ou d'autres oiseaux. Le Grand corbeau cache une partie de la nourriture trouvée, surtout s'il y a des risques de concurrence ou si la source alimentaire est perçue comme éphémère. Ainsi, si des aliments sont disponibles régulièrement, il ne semble pas en cacher. Lorsque la nourriture est consommée, elle est maintenue avec les pattes pendant que les aliments sont avalés.
Le Grand corbeau est probablement parmi les corvidés l'espèce qui montre les plus grandes facultés d'adaptation au milieu et c'est aussi, les deux étant liés, celle dont le régime alimentaire varie le plus selon les régions.
Photo Kat Halsey © - iNaturalist |
- Étymologie
Le nom Corbeau vient du diminutif latin corbellus issu du latin corbus qui vient du latin classique corvus qui est le nom latin du corbeau. L'adjectif Grand est certainement en référence au fait que le Grand corbeau est l'un des plus grand corvidés. Le nom scientifique du Grand corbeau est Corvus corax qui vient donc du latin corvus et probablement du grec korax qui est le nom grec du corbeau. Le mot latin corvus et le mot grec korax proviennent certainement d'une racine onomatopéique kor, évocatrice du cri rauque identifié par croâ.
Plusieurs mots en français font référence au corbeau. Ainsi, corbillat est le petit du corbeau tandis que corvidé est le nom de la famille des oiseaux dont fait partie le Grand corbeau. Le bec-de-corbeau est un outil de forme recourbée mais également une lampe à huile en forme de bec de corbeau. Le bec-de-corbin est une arme en forme de marteau à bout pointu. Coracoïde est le nom de l'extrémité de l'omoplate en forme de bec de corbeau chez l'être humain, et qui correspond à l'os coracoïde, os de l'épaule présent chez tous les oiseaux. Corbeau a aussi pris le sens métaphorique de grappin et, en architecture, il désigne une pierre dépassant d'un mur, cette métaphore expliquant le mot encorbellement qui est l'avancée d'une maison ancienne surplombant la rue. Enfin, le cormoran a une étymologie qui signifie corbeau de mer.
- Mythologie
Dans la mythologie grecque, le corbeau était à l'origine blanc. Mais, n'ayant pas rempli une mission que lui avait confiée Apollon, il subit une malédiction de la part du dieu et devint noir. Cependant, grâce à ses qualités divinatoires, l'oiseau resta l'un des attributs d'Apollon.
Cette idée de l'oiseau qui ne rempli pas sa mission se retrouve dans la Bible. En effet, à la fin du Déluge, Noé a d'abord lâché un corbeau pour aller à la découverte des terres émergées. Mais celui-ci n'est pas revenu, préférant rester là où il trouva ces fameuses terres. Alors Noé envoya la colombe. Et celle-ci revint, tenant dans son bec un rameau d'olivier, signe que les eaux s'étaient retirées. C'est ainsi que le corbeau acquis la réputation de ne pas être fiable, au contraire de la colombe, opposition qui se retrouve dans les couleurs noir et blanc des deux oiseaux.
Selon la tradition, le corbeau est lié à la royauté anglaise. En effet, 6 d'entre eux sont présents à la Tour de Londres et il est dit que tant qu'il y a ce nombre de corbeaux en ce lieu, la royauté est protégée de tout mauvais sort. C'est pourquoi il existe un maître des corbeaux qui est chargé de veiller sur eux et qui prend la précaution de leur couper quelques plumes des ailes afin qu'ils ne puissent pas s'envoler trop loin. Cette tradition remonterait en premier lieu à Guillaume le Conquérant, qui avait commencé la construction de la Tour de Londres en 1067, et qui avait perpétué la vénération de ses ancêtres pour cet oiseau, puis, en second lieu, à Charles II d'Angleterre, qui régna de 1660 à 1685, et qui ordonna qu'il devait y avoir en permanence au moins 6 corbeaux à la Tour de Londres.
- Histoire et effectifs
Au cours du Pliocène, entre -5,3 et -2,5 millions d'années, le Grand corbeau est présent en Europe, des fossiles ayant été retrouvés dans des couches de cette période.
Vers -2 millions d'années, le Grand corbeau semble avoir effectué une première colonisation de l'Amérique du Nord. Puis les glaciations auraient contraint ces oiseaux à se réfugier dans le sud des États-Unis actuels, où ils sont restés isolés des autres populations durant 1 million d'années.
Vers -650.000 ans, un groupe de Grand corbeaux s'est séparé des autres et a engendré le groupe des oiseaux des Îles Canaries.
Puis, vers -25.000 ans, le Grand corbeau aurait effectué une seconde colonisation de l'Amérique du Nord à travers le détroit de Béring. Les deux populations, celle déjà établie et la nouvelle, sont alors entrées en contact, se sont reproduites entre elles, et se comportèrent ensuite comme une seule et même espèce.
Au XVIe siècle, en Angleterre et sous le règne d'Henri VIII, les corbeaux, sans que l'espèce précise ne soit stipulée, sont protégés car ils débarrassent rues et campagnes des cadavres de toutes sortes.
Jusqu'au XIXe siècle, le Grand corbeau est commun à travers toute l'Europe. A cette époque, il peuple encore, en France, la quasi-totalité de la Bretagne et de la Normandie. Mais au début de ce XIXe siècle, débute des campagnes d'extermination, surtout dans l'ouest du continent. A partir de 1850, la régression de l'espèce s'accélère. Elle disparaît en 1890 du Jura suisse, en 1919 de la Belgique, et en 1920 des Pays-Bas.
En 1940, des signes de recolonisation sont sensibles sur le continent européen, et durant les années 1950, voire bien plus tard pour certains endroits, les campagnes d'extermination débutées au début du XIXe siècle prennent fin.
En 1966, aux Pays-Bas, débute un programme de réintroduction du Grand corbeau. La même année, en France, la Provence occidentale commence à être recolonisée, suivie des hautes Vosges en 1970 et de l'Auvergne en 1971. En 1973, la Belgique débute une réintroduction sur son territoire.
En 1976, le Grand corbeau devient une espèce protégée en France.
Entre 2001 et 2013, pour la France, le programme STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs) montre une augmentation des effectifs de 44%.
SOURCES
Corbeaux et Corneilles (Georges Olioso / Delachaux et Niestlé)Grand corbeau (site de la LPO Auvergne-Rhône-Alpes)
Grand corbeau (site de l'INPN)
La mystérieuse histoire du nom des oiseaux (Henriette Walter, Pierre Avenas / Robert Laffont)
Photo Don Loarie © - iNaturalist |
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